Pour préempter, l’intérêt général doit être avéré

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Pour préempter, l’intérêt général doit être avéré

Entre la signature d’une promesse de vente d’un bien immobilier et la signature d’un acte définitif de vente, le propriétaire, généralement assisté par son notaire, doit informer la collectivité de cette vente afin que celle-ci fasse éventuellement sa priorité d’achat. Cette notification se fait par le biais d’une déclaration d’information (DIA). Ce document constitue une offre de vente puisque doivent au moins y figurer le prix et les conditions de la vente.

En réponse à ce document, la collectivité peut décider de se substituer à l’acquéreur éventuel. C’est ce qu’on appelle le droit de préemption.

Ce mécanisme donne donc la possibilité à la collectivité d’acquérir en lieu et place d’un tiers un bien immobilier au moment de sa vente. Les collectivités ont en outre la faculté de préempter à un prix inférieur au prix convenu initialement entre les parties privées.

Ce mécanisme brutal est toutefois soumis au respect d’une condition. Le droit de préemption ne peut s’exercer qu’en vue de la réalisation d’un projet ou d’une opération d’intérêt général.

Cette procédure qui évince un tiers privé d’une opération immobilière permet aux acteurs publics d’intervenir pour réaliser des projets d’aménagement urbain.

Pour le propriétaire du bien préempté, cette procédure est bien souvent vécue comme une dépossession et un abus de pouvoir. Celui-ci ne peut pas choisir librement le futur acquéreur de son bien.

Fort heureusement, le propriétaire du bien préempté et l’acquéreur évincé ne sont pas entièrement démunis lorsque la collectivité exerce effectivement son droit de préemption. Ils peuvent former un recours devant le tribunal administratif territorialement compétent en vue d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle collectivité publique a préempté le bien.

Cette contestation ne peut se faire que dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de préemption.

Une contestation est possible si la décision est insuffisamment motivée. Rappelons-le, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain ne peuvent légalement exercer ce droit que si elles justifient de la réalité d’un projet d’action ou d’une opération d’aménagement, lesquels doivent être expressément mentionnés dans la décision de préemption.

On peut le déplorer, mais on ne saurait s’en étonner, de nombreuses dérives existent. Certains maires ont été accusés d’abuser du droit de préemption en le détournant de son objet et en le mettant au service de politiques locales inavouables : volonté d’exercer une pression sur le prix de l’immobilier, volonté de privilégier tel ou tel constructeur, préemption par opportunité …

Par un arrêt rendu le 18 mai 2021, la Cour administrative d’appel de Lyon [1] a rappelé que la collectivité qui décide de préempter doit justifier d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement, lequel sans avoir à être précis, doit être réel.

Par un arrêté du 19 juin 2018, le président de la Métropole de Lyon a exercé le droit de préemption sur un terrain situé à Villeurbanne. La SCI Vikhar, en sa qualité d’acquéreur évincé, a alors saisi le tribunal administratif en vue d’obtenir l’annulation de cette décision. Était notamment avancé par celle-ci que ni la décision par laquelle la collectivité avait préempté, ni même la délibération dont elle reprenait les objectifs généraux, ne mentionnait la nature du projet d’intérêt général envisagé. Par un jugement du 11 juillet 2019, les premiers juges ont rejeté le recours de la SCI Vikhar. Celle-ci a alors fait appel de cette décision.

Dans son arrêt du 18 mai 2021, la Cour administrative d’appel de Lyon refuse de faire siennes les conclusions des premiers juges. Bien que le terrain préempté relève effectivement du périmètre du droit de préemption du secteur de Grand Clément gare, et que ce quartier connaisse une forte tension foncière que la collectivité souhaite encadrer, la collectivité ne fait état d’aucun projet d’aménagement réel. Ainsi, la décision de préemption doit être annulée.

Cet arrêt ne constitue qu’une illustration, parmi tant d’autres des dérives des acteurs publics. Cette décision met en outre en exergue le pouvoir de contrôle important du juge administratif sur l’action des collectivités publiques en matière de préemption.

Toute décision de préemption doit être la plus complète possible. A cet égard, elle doit toujours mentionner l’objet pour lequel elle est exercée. Plus encore, la nature du projet doit figurer dans la décision :  réalisation d’équipements collectifs, mise en œuvre de la politique locale de l’habitat, lutte contre l’insalubrité, renouvellement urbain … Exit donc les décisions d’opportunité. Si préemption il doit y avoir, elle ne peut exister sans une description de la nature du projet envisagé par la collectivité.

Institué par l’immense majorité des communes sur des périmètres souvent équivalents aux limites communales et intercommunales, les décisions de préemption sont nombreuses et font insuffisamment l’objet d’un contrôle par des experts, comme des avocats. Pourtant, le passage par un avocat est souvent prolifique puisque dans un rapport du 30 novembre 2007, le Conseil d’État, juridiction administrative suprême, a relevé que plus des deux tiers des décisions de préemption sont annulées en raison des motifs légers et imprécis.

Propriétaires comme acquéreurs évincés, si vous vous trouvez face à une décision de préemption, n’hésitez pas à contacter le Cabinet ZEITOUN AVOCATS qui saura mobiliser ses compétences au service de vos intérêts.

[1] CAA Lyon, 18 mai 2021, n°19LY03468

Pour toutes vos questions relatives aux droits des sociétés, n’hésitez pas à contacter le cabinet ZEITOUN AVOCAT.

Catégorie : Droit de l'urbanisme
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