Lorsqu’une décision de préemption est annulée, le bien peut être rétrocédé à l’acquéreur évincé dont le nom ne figure pas dans la DIA

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Lorsqu’une décision de préemption est annulée, le bien peut être rétrocédé à l’acquéreur évincé dont le nom ne figure pas dans la DIA

(CE, 28 sept. 2020, n° 432063 )

Préempter signifie se substituer. Cette substitution n’est qu’une faculté donnée à la collectivité. Elle peut décider d’exercer, ou non, le droit de préemption.

En pratique, c’est au moment de la signature du compromis de vente ou de la promesse de vente que le notaire adresse à la commune, ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), une déclaration d’intention d’aliéner (DIA). Cet acte constitue une offre de vente puisqu’y figurent le prix ainsi que les conditions de la vente. Ce préalable est obligatoire. En effet, dans l’hypothèse où un immeuble situé dans le périmètre du droit de préemption ne ferait pas l’objet d’une DIA, la collectivité a la possibilité de réclamer la nullité de la vente.

Par ailleurs, bien que l’acheteur puisse disposer des clés après la signature de l’avant-contrat, il doit impérativement s’interdire d’effectuer des travaux. En effet, la commune dispose de deux mois à compter de la réception de la DIA pour exercer son droit de préemption. Le cas échéant, l’acheteur potentiel qui était partie à la signature du compromis ou de la promesse, se retrouve de fait évincé de la transaction immobilière. Si des travaux ont été effectués, l’acquéreur évincé ne pourra prétendre à leur remboursement par la collectivité.

Toutefois, les décisions de préemption sont souvent insuffisamment étayées, ou lorsqu’elles sont motivées, le sont parfois pour des motifs étrangers à l’intérêt général. Dans ce cas, le tribunal administratif territorialement compétent peut en prononcer l’annulation.

Selon les termes de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, à la suite de l’annulation d’une décision de préemption, la collectivité est tenue de procéder à la rétrocession du bien immobilier à son ancien propriétaire, à ses ayants droits universels ou à titre universel. Si ceux-ci renoncent à acquérir le bien, la collectivité peut proposer le bien à l’acquéreur évincé si son nom figure dans la DIA.

Si l’on s’en tient à la lettre de l’article, la possibilité n’est pas envisageable pour l’acquéreur évincé dont le nom ne figure pas sur la DIA.

S’agissant de la rétrocession, il arrive que la commune ou l’EPCI ne s’exécute pas spontanément. Dans cette hypothèse, l’ancien propriétaire peut saisir une nouvelle fois le juge afin qu’il ordonne à la collectivité de procéder à la rétrocession. Du point de vue de l’acquéreur évincé, et en toute logique, il ne pouvait saisir le juge en ce sens que si son nom était mentionné dans la DIA.

Par un arrêt du 28 septembre 2020, le Conseil d’État s’est penché sur la question de savoir si l’acquéreur évincé dont le nom ne figurait pas dans la DIA pouvait saisir le juge afin de d’enjoindre à la collectivité de lui proposer l’acquisition du bien illégalement préempté.

Par une délibération du 28 mai 2015, le conseil municipal de Montagny-lès-Beaune a exercé le droit de préemption sur un immeuble. Dans un premier temps, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette délibération. L’acquéreur évincé a ensuite saisi une nouvelle fois le juge administratif en vue d’enjoindre à la commune, dans un délai d’un mois, de le mettre en mesure d’acquérir le bien.  Par un arrêt du 18 juin 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a confirmé la décision des premiers juges. Ainsi débouté par les juges du fond, la collectivité s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

Dans son arrêt du 28 septembre 2020, le Conseil d’État a affirmé que l’acquéreur évincé dont le nom ne figurait pas dans la DIA, pouvait saisir le juge administratif en vue d’obtenir la condamnation de la collectivité à lui proposer la rétrocession du bien préempté illégalement.

Cet arrêt précise les conséquences que doit tirer le juge de l’exécution de l’annulation d’une décision de préemption. L’acquéreur évincé peut désormais saisir le juge afin qu’il soit ordonné la rétrocession du bien à son profit, et ce, même quand son nom ne figure pas dans la DIA.

Grâce à cette décision, le droit de l’acquéreur évincé à pouvoir prétendre obtenir le bien qu’il projetait initialement d’acquérir est renforcé. La solution inverse aurait été étonnante au regard de l’exigence de l’effet utile de l’annulation de la décision de préemption. Pour un simple défaut de formalisme, l’acquéreur évincé aurait été privé du bénéfice de l’action devant le juge de l’exécution.

Dans cet arrêt, le juge administratif suprême dessine un subtil équilibre entre les droits de l’acquéreur évincé et l’exécution de chose jugée.

Il peut cependant être fait exception à la rétrocession des biens illégalement préemptés. C’est l’hypothèse dans laquelle le rétablissement de la situation antérieure à la préemption porte une atteinte excessive à l’intérêt général. Tel sera le cas, par exemple, lorsque la collectivité ayant illégalement préempté, a déjà mis en œuvre l’objectif d’intérêt général qu’elle entendait poursuivre. Il peut s’agir, notamment, d’une collectivité ayant déjà installé des personnes dans l’immeuble préempté, lequel l’avait été afin de concourir à la réalisation de logements sociaux.

Toutefois, lorsque l’intérêt général fait obstacle à la rétrocession, l’ancien propriétaire comme l’acquéreur évincé peuvent saisir le tribunal administratif en vue d’engager la responsabilité administrative de la collectivité. Chaque illégalité revêtant le caractère d’une faute, une décision de préemption illégale est susceptible d’engager la responsabilité de la personne publique.

Grâce à son expertise en la matière, Maître Samuel ZEITOUN est disposé à obtenir l’indemnisation du préjudice résultant de l’impossibilité de la rétrocession.

Pour toutes vos questions relatives aux droits des sociétés, n’hésitez pas à contacter le cabinet ZEITOUN AVOCAT.

Catégorie : Droit de l'urbanisme, Droit de préemption urbain
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