L’application de la loi Pinel aux baux en cours

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L’application de la loi Pinel aux baux en cours

(Cour de cassation du 19 novembre 2020, 3ème chambre civile, n°19-20.405)

En matière de droit des contrats, le principe de la survie de la loi ancienne fait obstacle à l’immixtion de la loi nouvelle au sein d’un contrat déjà formé par des parties. La Loi peut parfois prévoir qu’elle s’applique aux contrats en cours. Cette application peut générer des complications dès lors qu’aucune disposition transitoire n’a été prévue par les textes réglementaires et qu’elle se veut particulièrement impérative. Suivant cette hypothèse, la Haute juridiction s’octroie la possibilité de préciser la consistance de la norme nouvelle en la déclarant comme étant d’application immédiate ou non, d’ordre public ou pas. Cette problématique est nouvellement abordée lors d’une décision rendue le 19 novembre 2020 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Avant 2014, l’article L.145-15 du Code de commerce sanctionnait par la nullité « les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement ». Ce régime était sous l’empire de l’article 145-60 du même Code, qui disposait et dispose encore aujourd’hui que cette action se prescrit par deux ans.

Depuis la loi n°2014-628 dite Pinel, toute clause d’un contrat de bail commercial ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement n’est non plus sanctionnée par la nullité mais par la réputation non-écrite. La substitution de cette sanction attribue au cocontractant la capacité de de demander l’annulation de cette clause et ce, sans délai de prescription.

Cette mutation législative intéresse plusieurs clauses, notamment la clause de révision du loyer dont il faisait question en l’espèce. Le bailleur avait adressé un commandement de payer à son preneur, puis l’a, par la suite, assigné en référé en acquisition de la clause résolutoire en alléguant que la somme réclamée résultait de l’application d’une clause réputée non-écrite. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 décembre 2018, déduit le caractère non-écrit de la clause, et ce, sans tenir compte d’une quelconque prescription d’action. La solution retenue est contestée par le bailleur, qui forme un pourvoi en cassation en soutenant que l’action du preneur était atteinte par la prescription biennale prévue par l’article 145-60 du Code de commerce et que les nouvelles dispositions de l’article L.145-15 « ne pouvait s’appliquer au bail commercial litigieux ».

La présente décision met en exergue une confusion née de la loi Pinel portant sur le régime applicable aux actions en contestation des clauses antérieures à cette loi et contraires au statut des baux commerciaux.

La Cour de cassation a tranché : les nouvelles dispositions prévues à l’article L. 145-15 du Code de commerce sont applicables aux baux en cours et l’action visant à voir réputer non écrite une clause du bail commercial est imprescriptible. La solution adoptée par la juridiction suprême éclaircit les modalités de la nouvelle sanction réservée aux clauses contraires aux dispositions prévues par le statut des baux :

12. [La Cour d’appel] a retenu à bon droit que ce texte est applicable aux baux en cours et que l’action tendant à voir réputer non écrite une clause du bail n’est pas soumise à prescription.

Par ce considérant, le juge insiste, dans un premier temps, sur le caractère rétroactif de nouvel article L. 145-15 du Code de commerce, résultant de la loi n°2014-628. Désormais, les clauses contestées sur le fondement de ce dernier sont ipso facto réputées non-écrites, et ce, indifféremment du jour où le contrat de bail a été conclu. En effet, qu’il ait été formé antérieurement ou postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Pinel, la clause restera inappliquée et s’abstiendra de produire des effets juridiques.

L’immédiate application de cette nouvelle règle trahit sa dimension impérative puisque les parties ne peuvent, en l’espèce, l’écarter. Cette dernière répond à des intérêts primordiaux d’ordre public en matière de droits des baux commerciaux et de droit de renouvellement du bail.

En outre, la Cour de cassation entend clôturer son considérant en précisant que l’article L. 145-15 se soustrait désormais du délai de prescription biennal établi à l’article L. 145-60. Dorénavant, les actions visant à voir réputer non-écrite une clause du bail commercial peuvent être intentées indépendamment de toute date.

En réalité, cette imprescriptibilité se veut cohérente puisqu’une décision de la Haute juridiction avait déjà énoncé la possibilité pour un copropriétaire intéressé de faire constater, à tout moment, l’absence de conformité des clauses du règlement de copropriété aux dispositions légales. (Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 12 juin 1991, 89-18.331)

 

13. [La Cour d’appel] en a exactement déduit que l’action tendant à voir réputer non écrite la clause du bail relative à la révision du loyer, formée le 13 janvier 2016, soit après l’entrée en vigueur de la loi précitée, était recevable.

Enfin, le juge de cassation s’aligne sur la décision de la Cour d’appel en déclarant recevable l’action du preneur tendant à voir réputer non-écrite la clause du bail relative à la révision du loyer. En conséquence, il déclare le moyen infondé et rejette finalement le pourvoi formé par le propriétaire des lieux loués.

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Catégorie : Droit commercial
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